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Article: Les révoltes des canuts : une chronologie des soulèvements ouvriers à Lyon

Les révoltes des canuts : une chronologie des soulèvements ouvriers à Lyon

Les révoltes des canuts de Lyon au XIXᵉ siècle comptent parmi les événements les plus marquants de l'histoire sociale française. Ces soulèvements, survenus principalement en 1831 et 1834, illustrent la lutte des ouvriers de la soie pour de meilleures conditions de travail et une rémunération équitable face aux négociants et aux autorités.

Parallèlement, une rumeur persistante attribue aux canuts une hostilité envers Joseph-Marie Jacquard, l'inventeur du célèbre métier à tisser Jacquard. Selon cette légende, les tisserands lyonnais auraient publiquement détruit sa machine, par peur de l'automatisation et de la perte d’emplois. Pourtant, cette anecdote ne repose sur aucune preuve historique.

Cet article propose une analyse chronologique et approfondie des deux principales révoltes des canuts en explorant leurs causes profondes, leurs enjeux sociaux et leurs conséquences. Il s’attachera également à clarifier la véritable relation entre Jacquard et les ouvriers lyonnais.


Lyon et l’industrie de la soie : un terreau de tensions

Au début du XIXᵉ siècle, Lyon est le centre névralgique de l’industrie de la soie en France. La ville doit sa prospérité à l’essor du tissage, qui emploie plus de 30 000 ouvriers, appelés "canuts". Travaillant dans des ateliers exigus, souvent situés dans le quartier de la Croix-Rousse, ces artisans hautement qualifiés jouent un rôle central dans l'économie lyonnaise.

Cependant, leur situation sociale est précaire. Les canuts ne sont pas directement salariés : ils travaillent à la commande pour les négociants en soie (appelés "soyeux"), qui fixent les tarifs et imposent une concurrence féroce. La pression économique, conjuguée à l’absence de régulation sur les salaires, plonge de nombreux ouvriers dans une misère grandissante, posant ainsi les germes des soulèvements à venir.


I. La première révolte des canuts (1831)

A. Contexte économique et social

En 1831, la conjoncture économique est difficile pour les canuts. Malgré une demande croissante de soie, les salaires des tisserands diminuent progressivement en raison de la concurrence entre négociants et de l'absence de protection sociale.

Les conditions de travail sont éprouvantes :

  • Les canuts travaillent souvent 16 à 18 heures par jour.
  • Leur rémunération est aléatoire et dépend des commandes passées par les soyeux.
  • La hausse du prix des denrées alimentaires aggrave la précarité des ouvriers.

Face à cette situation, une revendication majeure émerge : l'instauration d’un tarif minimum garanti pour assurer un revenu stable et décent.

B. Le soulèvement de novembre 1831

Les tensions atteignent leur paroxysme en novembre 1831. Après l'échec des négociations avec les autorités et les négociants, les canuts descendent des pentes de la Croix-Rousse vers la place des Terreaux, arborant un drapeau noir frappé de l’inscription "Vivre en travaillant ou mourir en combattant".

Le 21 novembre 1831, de violents affrontements éclatent entre les insurgés et l'armée. La révolte, qui dure trois jours, fait près de 600 morts et blessés. Le 23 novembre, les canuts parviennent à prendre le contrôle de l’Hôtel de Ville, marquant une victoire temporaire.

Cependant, la riposte du gouvernement est brutale : dès le 3 décembre, l’armée, menée par le maréchal Soult, reprend la ville par la force. De nombreux insurgés sont arrêtés et la répression met fin au soulèvement... pour un temps.


II. La seconde révolte des canuts (1834)

A. Des tensions persistantes

Après l’écrasement de la première révolte, la situation des canuts ne s’améliore pas. Dès 1833, le patronat envisage une nouvelle baisse des salaires, suscitant un profond ressentiment parmi les ouvriers.

En février 1834, les tensions reprennent : une grève générale est déclenchée. Près de 6 000 ouvriers des quartiers de la Croix-Rousse, de la rive droite de la Saône et du centre-sud de la Presqu’île cessent le travail pour exiger de meilleures conditions de vie.

B. L’insurrection d’avril 1834

Les tensions atteignent leur point de rupture en avril. Le 9 avril 1834, une seconde insurrection éclate. Les canuts, rejoints par des républicains contestataires, se barricadent dans les rues et affrontent les forces de l’ordre.

La répression est implacable. Le gouvernement envoie 12 000 soldats à Lyon, qui reprennent la ville quartier par quartier. Après six jours de combats, la révolte est écrasée dans le sang, faisant plus de 600 morts.

Cette seconde insurrection marque un tournant décisif : la contestation ouvrière entre dans une ère de militarisation et de répression accrue.


III. Joseph-Marie Jacquard et les canuts : une relation mal comprise

A. L’invention du métier Jacquard

Né en 1752 à Lyon, Joseph-Marie Jacquard révolutionne l’industrie textile en inventant, en 1801, un métier à tisser innovant. Le métier Jacquard permet de tisser des motifs complexes avec une précision inégalée, augmentant ainsi la productivité et la qualité des étoffes.

B. La rumeur de la destruction du métier Jacquard

Une légende tenace affirme que les canuts auraient publiquement détruit la machine de Jacquard, craignant une perte massive d'emplois due à l’automatisation.

En réalité, cette anecdote est infondée. Bien que certains ouvriers aient initialement exprimé des craintes face à l'innovation technologique, le métier Jacquard s’est progressivement imposé sans engendrer de destruction publique ni d’hostilité durable envers son inventeur.

 

Conclusion

Les révoltes des canuts de 1831 et 1834 sont parmi les premières luttes ouvrières structurées en France. Elles illustrent la quête d’une reconnaissance sociale et d’une amélioration des conditions de travail, dans un contexte de mutations économiques et industrielles.

Si ces soulèvements furent brutalement réprimés, ils marquèrent un tournant majeur dans l’histoire des revendications ouvrières en France.

Enfin, la relation entre Joseph-Marie Jacquard et les canuts demeure souvent mal comprise. Loin d’être un ennemi des ouvriers, Jacquard fut un innovateur dont l’invention façonna durablement l’industrie textile lyonnaise.

Aujourd’hui, les révoltes des canuts restent un symbole fort de la lutte sociale et de la résistance ouvrière, dont l’héritage résonne encore dans l’histoire contemporaine.

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